Capitaine Teillas , héros ordinaire de la grande guerre


Charles Eugène, le grand-père de ma cousine

Je souhaite évoquer la courte vie de Charles Eugène Teillas, le grand-père de ma cousine Sylvie, mort au combat le 1e octobre 1918, à Révillon dans l'Aisne. Il avait 27 ans Sa mère Gilette Teillas, née le 18 aout 1916 n' avait que 2 ans lorsque son père est mort au combat en 1918. Ce grand absent a été très présent dans l' histoire familiale. Ma cousine a reçu en héritage les documents originaux et précieux de ce grand-père mythique. Dernièrement, Sylvie m’apporte une chemise avec des documents et des photos de son grand-père.

Archives familiales Eugène Teillas


J'ai souhaité le rendre vivant en tentant de reconstituer son parcours de vie. Car sa vie, outre l'aspect personnel et familial, est un témoignage de la Grande Guerre. Dans ces archives, je retrouve la photo non datée de Charles Eugène en uniforme. Cette photo est prise par V. Cibrario à Auxerre. On aperçoit sur son uniforme et son képi, le numéro de son régiment, le 279ème. Deux médailles sont sur sa poitrine. Il "porte beau". 

Charles Eugène Teillas


Démarche de recherche

La question reste entière sur son parcours de vie.  Où a-t-il habité ? Où a-t-il suivi ses études ? Comment a-t-il rencontré sa future épouse ? Je ne sais pas comment chercher.
Je me lance donc dans une lecture détaillée des documents jaunis.
Article de presse
Je découvre un article de presse du journal Revue de l'Yonne (Journal d'Avallon) daté du 18 octobre 1918, collé sur une feuille cartonnée, ce qui témoigne de son importance.
Cet article est intitulé "le capitaine Eugène Teillas". Il est écrit : "Nous avons annoncé jeudi la mort glorieuse du capitaine Eugène Teillas d'Avallon. Nous donnons  aujourd'hui quelques détails sur la belle carrière militaire de ce vaillant soldat. Eugène Teillas, originaire de Valence sur Rhône, fit ses études à l'école communale et au collège d' Avallon, puis entra dans le commerce...."

Acte de naissance

J'apprends donc que Charles Eugène est originaire de Valence-sur-Rhône (Drôme). Ma première démarche est de rechercher l'acte de naissance d'Eugène à travers les actes numérisés des Archives départementales de la Drôme.  Je ne connais pas sa date de naissance mais je suis patiente et je cherche. J'ai la joie de retrouver son acte de naissance quelques temps après.  Son père, sieur Edouard Teillas, âgé de 44 ans  est Chef de train au Chemins de fer et sa mère est Madame Victoire Eugénie Vergier, ménagère âgée de 38 ans. Il est né le 24 février 1891 à Valence dans la Drôme. 


Acte de naissance de Charles Eugène Teillas

Sa scolarité à Avallon (Yonne)

L'article de presse indique qu'il a suivi sa scolarité dans la ville bourguignonne d'Avallon (département de l'Yonne). Je suppose que son père, Chef de train dans les chemins de fer a été muté dans cette ville pour son travail. C'est en effet en 1873, que cette commune a été desservie par le train , la ligne Paris-Lyon. Son frère Edouard Teillas était également "employé de la voie". La famille habitait route de Lorme à Avallon.


1912 : Appelé au 37ème régiment d'infanterie  

Charles Eugène est appelé, à 21 ans, au 37e régiment d’infanterie en garnison à Nancy en 1912. Je n'ai retrouvé aucun document et aucun historique sur cette période qu'il a vécu. 
            

1914 : Mobilisation

Le 2 Août 1914, le 279ème Régiment d'Infanterie commence sa mobilisation à Neufchâteau. Charles Eugène est intégré dans le 237ème régiment en qualité de Caporal. Son bataillon est adjoint au 279ème régiment d'infanterie. Le 7 Août, la mobilisation est terminée. Le régiment comprend deux bataillons à chacun quatre compagnies. Il est commandé par M. le Lieutenant - Colonel d'Hérouville. Composé d'éléments dont la majeure partie vient des régions de l'Est et de Paris, le 279ème R. I. contribue à la formation de la 70ème Division d'Infanterie qui n'est autre que le dédoublement de la fameuse 11ème D. I., la Division de Fer. Les opérations le conduit en Lorraine, en Artois, puis dans la bataille de Verdun.
Juin 1918

Le combat de Coubersseaux

Très vite, le 279ème R.I. se trouve confronté à la mitraille. Il se porte à l'attaque des positions allemandes à proximité de Nancy.  Les pertes sont très élevées. Le lieutenant Colonel d'Hérouville est tué. Le rôle de Charles Eugène est remarqué car il a ramené son corps sur un parcours de 3 kilomètres. 
Coubersseaux après les combats de 1914
J'ai retrouvé les détails de cet évènement dans les archives militaires accessibles dans les registres matricules des régiments d'infanterie (site mémoire des hommes). On peut lire sur ce document manuscrit la description de cet extraordinaire et terrible épisode de guerre. Le texte est le suivant : 

25 aout 1914 "Vers 8h30, lorsque le lieutenant colonel avait été blessé... il reçut une deuxième blessure. Il ordonna alors qu'on le laissa sur place. Une heure plus tard, l'Adjudant Moreau accompagné du Caporal Teillas se porta en avant des lignes pour rechercher le lieutenant colonel. Leur arrivée mit en fuite quelques (illisible) qui fouillaient les blessés. ... Ils le chargèrent sur un brancard et le rapportèrent au milieu des autres blessés sur un parcours de plus de 3 kilomètres jusqu'au village de Gellenoncourt où se trouvait une ambulance. Les pertes subies par le régiment dans la journée du 25 août  se sont élevées à 19 officiers sur 27 au combat."

Registres des Matricules
Le soir, on apprend que la menace d'encerclement de Nancy par l'Est est enrayée. Après le combat de Coubersseaux, le Capitaine Teillas obtient  sa première citation et est nommé Sergent sur le champ de bataille. 

Dans une lettre à ses « frangins » en date du 31 aout 1914, il raconte :


Correspondance militaire

«  J’aurais voulu vous écrire plus tôt mais nous venons de traverser de rudes moments de fatigue…Depuis une quinzaine nous sommes en première ligne et après avoir été en Allemagne, nous avons été obligés de reculer. Le 25 nous avons eu un engagement sérieux où malheureusement, notre régiment a été dans une mauvaise passe. Et nous avons vécu quelques heures d’épouvantable boucherie. Environ 65 % sont restés sur le terrain et à l’heure actuelle la bataille continue.  Tu dois savoir des parents que c’est en allant chercher mon colonel blessé et après l’avoir ramené à l’ambulance sous les balles et obus que j’ai été cité à l’ordre du régiment et nommé sergent. J’ai eu ma capote arrachée, blessé un peu au talon par un obus. Inutile de le dire à ma mère. Beaucoup de mes camarades sont morts et je ne pourrais jamais oublier cette vision terrible. Oh que de sang ! Hélas !...On est heureux quand on peut acheter du vin et du chocolat car on est longtemps sans manger….Votre frangin Sergent 237°infanterie en campagne ».
        
       
Transportée en Lorraine par chemin de fer, la 70ème DI se retrouve au front, à proximité d'Arras et  commence la guerre des tranchées. Les ouvrages allemands sont détruits. C'est une lutte très âpre, tournant au corps à corps.

Mars 1915 Notre Dame de Lorette

La prise de l'éperon sud de Notre Dame de Lorette du 15 au 18 mars 1915 , est le lieu du déclenchement de la seconde guerre d'Artois. Les Allemands tenaient cet éperon. Ils y avaient organisé quatre lignes de tranchées reliées par des boyaux de communication aux premières maisons d’Ablain. La position leur donnait la facilité de grouper éventuellement leurs troupes d’attaque dans le village et de les dérober à l’abri du ravin pour les conduire vers nos tranchées. Le 15 mars, dans l’après-midi, l' artillerie ouvrit sur les positions allemandes de l’éperon Sud un feu violent. Les pertes, au cours de cet après midi, furent sérieuses. Le 18 mars, une compagnie du 158ème achevait la conquête de l’éperon en rejetant les Allemands des boyaux de communication entre la crête et Ablain.

Assaut Notre Dame de Lorette 1915
Dans sa lettre du 20 mars 1915 à son frère Edouard, Charles Eugène, sous- lieutenant du 237ème régiment d'infanterie, 70ème division et 140ème brigade témoigne de son état d'esprit sur le front.

" ...je suis toujours en parfaite santé si ce n'est que parfois le moral souffre sensiblement car ça devient long...Tu as du voir sur les journaux que nous sommes occupés depuis quelque temps devant Notre Dame de Lorette ! et je suis fier de l'amour que ce sont donnés les 158 et 237 régiment qui ont participé à la dernière et brillante attaque ! Inutile de te dire que la 158e régiment plus jeune, coopéra plus largement au succès. Néanmoins le vieux régiment de fer est toujours un peu là... Voilà 8 mois que nous sommes partis loin de ce qui nous est cher, 8 mois sans famille, sans lit, sans nourriture saine, à tous les temps et en se demandant toujours ce que le lendemain nous réserve ! ...Mon régiment n'a jamais eu un jour de repos à l'arrière et a toujours été en première ligne. .. Enfin, mon cher frère qu'il te reste à savoir que j'en ai plein le dos et je commence à me fatiguer moralement..."
           

Mariage le 4 aout 1915 à Auxerre

Le 11 juillet 1915, Le sous lieutenant Charles Teillas rédige une belle lettre  écrite à la plume à l'encre violette, à monsieur le lieutenant colonel commandant le 237e régiment d'infanterie, 70e division.



Demande de Mariage
" Je soussigné, Teillas Charles, agé de 24 ans, sous lieutenant au 237° en campagne, ai l'honneur de solliciter l'autorisation de contracter mariage par procuration avec Mademoiselle Demeaux Fernande âgée de 22 ans, demeurant chez ses parents 32 rue Saint Pèlerin à Auxerre (Yonne). Régulièrement fiancé depuis avril 1912, je devais épouser Mademoiselle Demeaux le 6 octobre 1914 c'est à dire immédiatement après ma libération du service militaire. Je demande l'application des prescriptions suivantes du paragraphe II de la circulaire de M le Garde des sceaux du 8 avril 1915, ainsi conçues : " La faculté de contracter mariage par procuration a été subordonné à la notification de causes graves... Il y aura cause grave au sens de la loi nouvelle...toutes les fois que le future époux, désireux de donner suite à une promesse de mariage antérieure à la mobilisation, servira comme militaire, à un poste où sa vie est en danger" . Les parents de ma future et les miens consentent à notre mariage. Je sollicite la dispense de la publication et de tout délai en vertu de l'article 169 du code civil."

En aout 1915, il obtient une courte permission pour se marier, comme en témoigne une lettre écrite à son frère. Le mariage avec Fernande Demeaux a lieu le 4 aout 1915 à Auxerre (Yonne).


Verdun, mars et avril 1916

Il faut déjà retourner au front. Le 25 septembre 1915, se déclenche la grande offensive de Champagne. En février 1915, le régiment est relevé et prend quelques jours de repos. On peut supposer que c'est à cette période que Fernande Demeaux, son épouse, part le rejoindre, à l'arrière et que sera conçue leur fille. Le repos sera de courte durée car le 15 mars 1915, le régiment débarque à Valmy, et va participer à la défense de Verdun où se fait une consommation énorme d'effectifs depuis le commencement de la grande offensive allemande. De même qu'en 1914, il a contribué à sauvegarder l'intégrité de Nancy, en 1916 il participe à la défense qui immortalise le nom de Verdun.


Naissance de sa fille Gillette le 18 aout 1916 à Auxerre

Fernande Demeaux accouche de leur fille Gillette Teillas. Elle vit chez ses parents à Auxerre. 


Charles Eugène, Fernande et leur fille Gillette (photo non datée)

Vauxaillon, mars 1917

La guerre se poursuit. Charles Eugène qui est soldat depuis 1912 sans interruption, poursuit les combats. Déjà 5 ans de combats et de guerre. En mars 1917, le 279ème R. I. reçoit l'ordre de prendre les avant-postes et de relever les Anglais. Le soir même il établit un service de surveillance sur une ligne jalonnée par les villages de Buverchy et Houlbeux. Le 279ème R. I. conserve toutes ses positions sur lesquelles le front va se fixer pour quelque temps. Pendant toute cette période, d'autant plus difficile que les combats ont eu lieu au contact d'une armée alliée désorganisée et surprise par un choc formidable, les hommes du régiment ont fait preuve des plus belles qualités d'endurance et d'énergie. A la suite de ces combats, Charles Teillas obtient en 1917 une citation à l'ordre de l’armée. «  Officier hors pair, d’un allant et d’une bravoure au dessus de tout éloge. Le 15 mai 1917, l’ennemi s’étant emparé en force, après un intense bombardement, de quelques centaines de mètres de tranchées, est parti vigoureusement à la contre attaque à la tête de sa section. Donnant ses ordres sur le parapet de la tranchée balayée par les balles, enflammant ses hommes par son exemple, a repris tout le terrain perdu, après avoir mis  une cinquantaine d’Allemands hors de combat et fait plus de vingt prisonniers »

Chevalier de la Légion d'Honneur le 28 mai 1917

Vers le 15 Avril 1917, le régiment (faisant alors partie de la 70ème D. I.) est retiré de cette division et du secteur qu'il occupe dans la région Parisis-Ferme.Le régiment a trois compagnies en ligne, de la gauche à la droite : 13ème, Lieutenant PELLOT ; 14ème, Capitaine PARROT ; 17ème, Lieutenant RICHARD ; 2ème en soutien ; 18ème à gauche ; 15ème à droite; la 19ème est au point 152-2 et au talus du chemin de fer. Le 6ème bataillon (Commandant PEROTEL) est dans un bois et dans les carrières à l'arrière. La 15ème compagnie (Capitaine HEFTY) est chargée de contre-attaquer pour rétablir la situation. La section du Lieutenant TEILLAS chasse "les boches" de la position qu'ils occupaient tant sur le secteur du 279ème R. I. que sur celui du 262ème R. I.. Une trentaine d'ennemis sont tués et une quinzaine sont prisonniers. 

A la suite de cette attaque, le Lieutenant TEILLAS est promu Chevalier de la Légion d'Honneur et Commandant de compagnie. Le régiment obtient une citation à l'ordre Corps d'Armée.


Légion d'honneur


L'amour dans les ruines 1° septembre 1918

Blessé le 13 mai 1918 au nord de Sennones à la Mère Henry, par "éclat de pétard à la face". La plaie est dite superficielle. Il est nommé Capitaine en mai 1918. Suite à cette blessure, il a du aller se reposer à l'arrière et c'est sans doute à ce moment que son épouse Fernande a pu le rejoindre. Une photo touchante datée du 1° septembre 1918 , immortalise cette rencontre. Elle porte la mention manuscrite "L'amour dans les ruines...".

L'amour dans les ruines 1918
Dos de la carte - Poème d'amour

Au dos de cette carte est rédigé ce joli poème :

Que signifie cette belle allure
De cette jolie femme et de ce capitaine ?
Ce n'est pas étonnant que la guerre dure !
Nos soldats ne font que fredaines...
Où diable l'amour va-t-il se nicher ?
Jusque dans ces pauvres demeures
Où le boche vient seulement de passer,
L'amour le suit à quelques heures...
En effet, c'est là que (illisible) et sa mie
Vivent un peu de leur amour,
Ce fut du cher bonheur en cette vie
Si semée de malheureux jours...

Signature Capitaine commandant la 14e compagnie du 279e Infanterie



Glennes, septembre octobre 1918


Le 4 septembre 2018, le 279ème régiment entreprend l'attaque du village de Glennes et des hauteurs environnantes. Le 6 Août, le 279ème R. I. relève le 338ème R. I. à la voie ferrée Bazoches Soissons. Il a pour mission d'organiser les positions conquises et de fixer l’ennemi par de nombreuses patrouilles. Le 4 Septembre, le 279ème R. I. entreprend l'attaque du village de Glennes et des hauteurs environnantes. Ce jour-là, le 279ème R. I. inscrit en lettres de sang une des plus belles pages de son histoire. Plus tard, le 279ème R. I participe à l'attaque de la position « Hunding » . Cette ligne peut sans exagération être présentée comme la plus puissante des positions défensives qu'aient organisées les Allemands, experts en l'art de remuer la terre.


Tranchée en 1918

Une photo d'archives familiales, prise sur le front, fige la réalité d' une tranchée de 1918. On se rend compte des conditions dans lesquelles ont combattus les soldats, dont Charles Eugène. Partout deux ou trois lignes de tranchées, trois réseaux de fil de fer devant la première ligne, deux ou trois réseaux devant les deuxième et troisième lignes. Entre ces tranchées et en arrière d'elles des abris profonds de mitrailleuses à entrée bétonnée disposés en échiquier et défiant par là même toute préparation d'artillerie. Établie longtemps à l'avance par un ennemi qui sent la victoire lui échapper et veut cependant à tout prix se cramponner au sol de France, la Hunding Stellung était certainement plus puissante que ne fût la fameuse ligne Hindenbourg. Le 1er Novembre, le 279ème R. I. (qui a pris la place du 338ème R. I.) prononce une attaque qui, malgré une lutte opiniâtre allant jusqu'au corps à corps, ne donne pas de résultats sensibles.





Mort au combat en octobre 1918

Il a reçu sa septième citation à l’ordre du corps d’armée avant d’être tué le 1° octobre 1918  à l’âge de 27 ans en conduisant sa compagnie à l’assaut. Des détails ont été donné par M Chanut, fils du propriétaire de l'Hôtel du Chapeau Rouge à Avallon, aspirant au 279° régiment et arrivé en permission en octobre 1918. Il aurait été tué d'une balle dans la tête, alors qu'il lançait des grenades à fusil en direction des Allemands. La mort est instantannée. Il est enterré à Blanzy les Fismes, au nord de Fismes, situé entre Soissons et Reims.

Son corps a été transporté à 8 kilomètres sous la ligne de feu et il a été enterré avec tous les honneurs militaires à Blanzy les Fismes dans l’Aisne, par le sergent brancardier le Père Bergeret. Il a été mis dans un cercueil que les musiciens ont fait le matin même et enterré dans le cimetière de Blanzy, raconte un de ses amis dans un courrier remis à son épouse. Le Maire de Blanzy les Vismes, par courrier du 20 avril 1919, certifie que le corps du Capitaine Teillas, repose dans le cimetière de la commune.


Avis de décès

Souvenirs

La mémoire des combattants de la Grande guerre est inscrite dans le monument aux morts d'Auxerre (Yonne). La liste des noms des combattants est longue. La vie de Charles Eugène Teillas a été courte. Il a combattu de l'âge de 20 ans à l'âge de 25 ans. Il s'est marié, a eu une fille et la famille poursuit son chemin. Je suis contente d'avoir évoqué les témoignages de sa vie pour aider à transmettre la mémoire d'un héros ordinaire.



Monuments aux morts


Etat des services du Capitaine  Teillas











Colonel Bernard Madelin : Carnets de Route 14-18


Colonel Bernard Madelin

Bernard Madelin  est né à Paris en novembre 1897. Il est le troisième de la famille est profondément marqué par la disparition de leur mère Jeanne de Sainte-Marie en 1903, des suites d’une péritonite. Son père, René Jean Marie Madelin est né à Lunéville en 1868, intégre l'Ecole militaire de Saint Cyr pour être affecté en 1890 à un bataillon de chasseurs à pied. Il sera nommé comme Général de brigade  à la tête de la 28ème Division d'infanterie en 1917.
Entraîné par l’ardeur patriotique, Bernard Madelin, son fils,  s’engage très tôt. Dans la cavalerie, certes, mais il passera la plus grande partie de la guerre « à pied », dans les tranchées. Pendant cette période, il sera nommé : 
 -   Cavalier 11° cuirassiers,  le 22 janvier 1915
-  Brigadier, le  9 décembre 1916
-    Maréchal des Logis, le  26 décembre 1917.
-    Affecté au 10° dragons, à ce grade, le 12 avril 1918
On connaît assez bien sa vie pendant la grande guerre grâce à ses carnets de route, ici retranscrits, témoignage intéressant (notes Philippe Madelin, son fils) :
Couverture Carnets de Route de Bernard Madelin 1915-1918
Bernard part au Front  le 22 octobre 1915, à l'âge de 18 ans. Après un voyage en train de plusieurs jours, il arrive à Cramant, entre Prosnes et Prunay, à l'est de Reims où est stationné son régiment, dans la secteur des tranchées.
1915
27 octobre:Départ du quartier avec 50 hommes. Grande ceinture, Troyes,  Châlons.
29 octobre:Arrivée à Jalons les Vignes, passé la nuit, première nuit dans la paille.
31 octobre: Rejoint le régiment, cantonné à Cramant (Marne), versé au 2ème escadron, 1er  puis 3ème peloton, capitaine FOUQUET, lieutenant de RIOCOUR..
1er décembre: Départ pour les tranchées. Temps épouvantable, nuit très noire. Quatre heures perdus dans les boyaux, arrivée vers le matin en ligne. Sous secteur de la Source, quartierK. , réduit Davoust. Secteur très calme. Premiers obus, premières balles, etc...
13 décembre: Relève des tranchées, retour en autobus à Cramant
25 décembre: Départ de nouveau pour les tranchées. Même secteur, même calme
1916
1er janvier: A minuit précises, les boches nous saluent à coups de fusil, fusillade sur tout le front. Nous répondons au 75. Pendant ce temps alerte aux gaz (exercice). Passé de 1915 à 1916 avec le masque sur la figure.
5 janvier: Relève. Retour à Cramant en autobus
1er février:Nouveau départ pour les tranchées. Même secteur calme. Beaucoup de travaux
1l février:Relève. Retour à Cramant.
21 février:Nouveau séjour à La Source. Toujours la même chose.
3 mars:Relève. Retour à Cramant.
25 mars:Changement de cantonnement. Bon cantonnement, bonne installation. Allons à Mareuil sur Ay (Marne).
26 mars:Départ aux tranchées à cheval, temps superbe. Mareuil, Avenay, Fontaine, Tauxières, Louvois, Verzy, Courmelois, Thuizy. Là, pied à terre et en ligne. Premiers beaux jours, séjour délicieux.
11ème Cuirassiers en 1915

6 avril:Relève. Partons aux travailleurs à Billy le Grand. Nuit noire, relève fatigante.
7 avril:Visite de Papa pour m’apprendre la mort de Jean. Il me ramène en auto à Mareuil et me fait avoir une permission. Départ le soir même par Epernay.
8 avril:Arrivée à Paris.
11 avril:Retour au front à Mareuil.
15 avril:Départ pour les tranchées, même secteur.
24 avril:Relève. Allons aux travailleurs à Billy le Grand. Printemps, temps superbe, très agréable.
29 avril:Relève à cheval. Retour à Mareuil.
30 avril:Visite de Papa, il m’emmène déjeuner à Châlons au Q.G. de l’armée. Déjeuné avec le général GOURAUD et M. PAINLEVÉ. Journée très agréable. Retour à Mareuil le soir.
10 mai:Partons à cheval aux travailleurs à Courmelais On commence à parler d’être mis à pied..
21 mai:Départ pour les lignes On parle de plus en plus de la mise à pied.
1er  juin:Relève. Départ pour Mareuil. Le régiment est mis à pied. Nous rendons chevaux et harnachements en échange de sacs et de capotes! Hélas!!!
10 juin:Nous voici fantassins. Départ pour le bivouac IV (à 1500m de Mourmelon le Petit). Nous recevons  des renforts de divers régiments et formons le 1er bataillon du 11ème Cuirassiers à pied. Premiers exercices à pied.

Informations de l'auteur : Des régiments abandonnèrent leurs chevaux En août 1914, la cavalerie comptait encore 12 régiments de cuirassiers à cheval. Malgré de nombreux débats avant-guerre au sujet de l'abandon de la cuirasse, les cuirassiers qui rentrèrent en guerre en étaient toujours pourvus. Dès les premiers engagements, il fallut se rendre à l'évidence : cet équipement était devenu , plus gênant qu'utile. Son abandon fut donc décidé. Les cuirassiers, créés en 1803, ne l'étaient plus que de nom. Après la course à la mer et la stabilisation du front, la cavalerie devint inutile alors que le service des tranchées exigeait un effectif de fantassins considérable. Les cavaliers firent donc le service de la tranchée tout en continuant à s'entraîner au combat à cheval dans l'espoir d'exploiter une éventuelle percée,pour la durée de la guerre ; ce fut le cas pour certains régiments de cuirassiers. En novembre 1914, chaque division de cavalerie forma un "groupe léger" composé d'escadrons prélevés sur ses divers régiments. Le 1er juin 1916, leur succédant, six régiments de cuirassiers (R.C.) à cheval furent transformés en cuirassiers à pied (4e, 5e, 8e, 9e, 11e et 12e R.C.). Ils se donnèrent eux-mêmes le surnom de " cuirapieds ". Ils adoptèrent alors une structure de régiment d'infanterie à trois bataillons de quatre escadrons plus une compagnie de mitrailleuses et prirent l'équipement et la tenue de l'infanterie.
15 juin:Nous remontons en ligne, mais pas dans le même secteur. Nous allons au Bois Noir, en avant de la ferme Moscou, située à côté de Prosnes. Secteur calme.
25 juin:Relève. Retour au bivouac IV, nous recommençons l’instruction.
30 juin:Sommes passés en revue avec la Brigade Russe au camp de Châlons par le général GOURAUD. Présentation de l’Etendard qui a rejoint le régiment depuis qu’il est à pied.


Général GOURAUD
4 juillet:Nous remontons en ligne, le capitaine m’envoie comme agent de liaison au bataillon. Très heureux de mon nouveau métier. Toujours à la ferme Moscou.
14 juillet:Relève. Nous allons cantonner au bivouac de l’Issue (entre Sept-Saulx et Mourmelon).
19 juillet:Nous allons relever le 125ème d’infanterie en ligne à la ferme des Marquises. Agent de liaison du capitaine. Assez calme. Escadron en réserve.
23 juillet:Relève. Je vais chercher la relève à Thuizy. J’ai fait environ 30km dans la nuit. Arrivé éreinté au bivouac de l’Issue.
25 juillet:Je pars en permission de 6 jours
2 août: Retour de permission au bivouac de l’Issue. Pendant ma permission, les boches font un gros coup de main aux Marquises. Le bataillon monte en renfort et prend les lignes. Nous avons environ 7 ou 8 tués et quelques blessés.
12 août :Nous quittons l’Issue et allons cantonner à Avenay (Marne) où nous retrouvons tout le régiment.
16 août:Départ à 5h du matin. Embarquement à Epernay. Direction inconnue, nous partons vers l’Est. Revigny, Bar-le-Duc, Neufchâteau.
17 août:Débarquement à Lunéville à 8h. Allons cantonner à l’ancien séminaire. Sortons tous les jours, très agréable.
21 août:Allons cantonner à Croismare (Meurthe et Moselle). Je vais faire le cantonnement.
22 août:Départ pour les tranchées le soir. Nous relevons le 15lème R.I. dans le village d’Emberménil.
Agent de liaison du capitaine. Secteur très calme. Sur notre gauche, les boches font plusieurs coups de main dans la forêt de Parroy, sur le 2ème bataillon, aux Arrieux.
2 septembre: Relève. Retour à Croismare.
12 septembre:Retour à Emberménil. Toujours agent de liaison. Secteur très calme.
22 septembre:Relève. Retour à Croismare.
1er octobre   Nous remontons en ligne dans la forêt de Parroy, Postes des Arrieux. Très calme, feu d’artillerie, pas de coups de fusil.
12 octobre:Relève. Nous allons en réserve à Laneuveville-aux-BoAais d’où nous allons faire des fascines dans les bois. Beau temps, séjour agréable.
22 octobre:Nous remontons en ligne à Emberménil. Très calme, le mauvais temps commence.
1er novembre:Relève. Nous retournons à Croismare,
6 novembre:  De nouveau en ligne aux Arrieux. Poste 4 à 60m des boches. Temps de chien, nuits noires. Assez calme, quelques grenades.
16 novembre:Relève. Retour à Laneuveville-aux-Bois, aux travailleurs. Très mal à la gorge, exempt de service tout le séjour. Je commence à entendre dire que je vais être nommé brigadier.
26 novembre:Nous remontons en ligne à Emberménil. Calme, mauvais temps.
8 décembre:Relève. Nous allons aux travailleurs à la Croix-Bastien, bivouac situé dans la forêt de Parroy.
9 décembre:Je suis nommé brigadier et passe au 4ème escadron (dépôt divisionnaire). Je rejoins le jour même à Moncel les Lunéville, j’y retrouve le capitaine LAHURE. Séjour agréable au D.D.
1917
1er janvier :Je pars en permission de Lunéville, le soir, Excellent voyage.
13 janvier:Retour de permission. Passé par Château Thierry où j’ai dîné avec Papa. Retour par Bar le Duc, Nancy, Blainville, Epinal, Belfort, débarqué à Pont de Roide. Trouvé l’escadron allant cantonner à Madhey. Nous allons y passer la nuit.
14 janvier:Départ à 7h. Etape de 16 ou 17 km sous la neige. Arrivée à Sainte Marie les Montbéliard vers midi. Très bon cantonnement. Suis désigné pour aller suivre le cours de chef de section à Belfort.
15 janvier:Départ en auto pour Belfort. Arrivée vers 15h dans la cour du Fort Hatry. Nous revoici en caserne, mais enfin ne nous en plaignons pas, on est bien.
Le cours commence le lendemain, sous la direction du capitaine BAUD, du 125ème R.I. Nous avons comme instructeur le Ss-Lt BAËDENS, du 1er B.C.P. Assez intéressant. Manœuvres au terrain du Haut du Mont, Fort des Perches, champ de tir du Martinet.
Vie agréable, surtout au printemps.
11 avril:Clôture du cours de chef de section. Il va y avoir des nominations de sous officiers.
12 avril:Départ de Belfort. Nous sommes tous très gais. En montant dans le train, j’apprends que je suis nommé maréchal des logis. Voyage long par Gray, Vesoul, Troyes, Le Bourget, Fère en Tardenois.
14 avril:Débarquement à Fère en Tardenois. Attendons le ravitaillement. Le régiment est à Mareuil en Dôle. Le sympathique (???) officier d’approvisionnement du 11ème Cuir, ayant refusé de nous prendre nos sacs, nous nous mettons en route. Il fait une chaleur torride. Arrivons vers midi. Reçu à la popote du 4ème escadron. Je me fais coudre des galons.Le régiment monte pour la grande offensive l’après-midi.
16 avril : Le canon gronde d’une façon formidable. Temps épouvantable. Nous partons le matin et allons cantonner à Perles (environs de Fismes). Routes épouvantables et encombrées. Passons par Loupeigne, Lhuys, Mont Notre Dame, Bazoches. Cantonnés dans des baraques Adrian sales. Vers midi, le canon tonne toujours, on commence à douter du succès de l’offensive.
20 avril :Ca y est l’offensive est loupée. La cavalerie redescend. Départ de bonne heure. Les boches bombardent Fismes et Bazoches. Il pleut toujours. Routes épouvantables. Retour à Mareuil en Dôle. Arrivés vers midi. Ma permission est signée et je dois partir le lendemain. Mais! ... Nos voitures sont en panne sur la route et il nous faut aller les chercher et comme c’est moi le moins ancien, je pars ... Il pleut toujours. Enfin nous réparons tant bien que mal nos fourgons et nous voici arrivés à Mareuil vers 7h, mais pas sans mal. Dîné rapidement et couché. Je pars demain à 5h du matin.
21 avril:Départ de Mareuil-en-Dôle à 5h du matin. A pied jusqu’à la gare de Loupeigne. Là, après deux heures et demie d’attente, le chef de gare nous dit que le train de permissionnaires ne viendra probablement pas aujourd’hui. Nous sautons dans un train de marchandises où nous restons jusqu’à La Ferté-Milon. Là, le commissaire de gare nous dit de remonter dans un autre train de marchandises qui va à Meaux, d’où nous trouvons un express pour Paris. Arrivée à minuit à Paris et le lendemain matin au Vésinet.
29 avril:Rejoint l’escadron à Retheuil. (environs de Pierrefonds) après 24h de voyage.
30 avril:Départ à 5h du matin. Cantonnement à Ambleny (Aisne). Avons été visiter les anciennes lignes au bord de l’Aisne.
1er mai Départ 5h. Cantonnement à Soissons, faubourg Saint Waast. Très bien installés à côté du front des anglais. Le bruit court que le régiment va attaquer.
5 mai:Le régiment attaque au Moulin de Laffaux. Suis envoyé à l’ambulance de Crouy, pour assurer le service d’ordre. Les cuirassiers ont enlevé le Moulin et progressé de 3km. Je vois beaucoup de blessés, beaucoup de types que j’ai connus.

Les cuirassiers au Moulin de Laffaux 5 et 6 mai 1917
Informations de l'auteur : Les troupes s'étaient mises en place le 4 mai au soir. L'attaque fut déclenchée le lendemain à 4 h 45 après une préparation d'artillerie de six heures avec notamment des obus toxiques. Dans la faible clarté du petit-jour les cuirassiers s'élancèrent, appuyés par les chars d'assaut et précédés par un barrage roulant de 75, réglé sur la vitesse de marche de 100 m en 2 mn. Le 4e R.C. était au nord du moulin, le 9e devant le moulin de Laffaux et le 11e à droite devant les carrières de Fruty...Dans les combats des 5 et 6 mai, la division des cuirassiers à pied, avait porté la ligne de front de 1 200 m et enlevé un saillant de la ligne Hindenburg. Elle avait capturé 550 prisonniers valides, dont 5 officiers. Peu après les échecs de l'offensive du 16 avril, ce succès tactique fut d'autant plus remarqué dans l'armée et à l'intérieur. Un article paru dans le journal L'Illustration du 16 juin s'en fit l'écho en des termes très élogieux, le journaliste concluait: " Le plateau du moulin de Laffaux est entièrement entre nos mains [...]. L'ennemi a subi des pertes exceptionnellement lourdes. Il a dû évacuer ce qu'il appelait la "charnière de la ligne Hindenburg". C'est un résultat qui restera célèbre dans les annales des régiments à pied. 
6 mai :Je reviens à Soissons. Journée tranquille,
7 mai:Je vais de nouveau à l’ambulance de Crouy
8 mai: Retour à Soissons.
10 mai: Départ à 8h du matin. Allons cantonner à Vaux et Mercin, à quelques   kilomètres. J’ai assisté au  défilé des tanks redescendant des lignes. Il y en avait une trentaine qui ont traversé les rues de Soissons.
Arrivée à Vaux vers midi. Cantonnés sous la tente. C’est l’été, nous y sommes très bien.
12 mai: Départ à 13h. Nous allons embarquer en auto sur la grande route, chaleur torride. Cantonnons à Attichy. Je dois partir en renfort pour le 1er bataillon.
13 mai: Je vais rejoindre le 1er bataillon. L’Etat Major est à Jaulzy. Nous allons nous y présenter. Reçus par le capitaine de GAULLIER. Je suis versé au 2ème escadron. Rejoint le soir même à Cuise- la-Motte. Reçu par le capitaine GRÉAU. Versé au 4ème peloton avec l’adjudant NIVERT.
14 mai: Départ à 6h. Allons cantonner à Jaulzy. Cantonnement superbe. Sommes au château de la famille KOECHLIN, chambres superbes, salle à manger, cuisine etc ... lits avec draps. Tous les jours, exercices de défilé. Nous                devons défiler devant le général FRANCHET D’ESPEREY                                                                         
Général Franchet d'Esperey


23 mai: Nous sommes passés en revue par le général FRANCHET D’ESPEREY, naturellement il pleut à verse. Cérémonial habituel, remise de décorations, musique. Tout va bien.
25 mai:  Embarquement en auto de bon matin. Vic-sur-Aisne, Nampcel, Blérancourt, Trosly. Nous débarquons. Encore 4 km à pied et nous bivouaquons à Guny. Nous montons en ligne ce soir.
Départ à 10h du soir, nuit chaude d’été, relève dure. Prenons les lignes en face de Septvaux. Secteur très calme. En réserve nous faisons des travaux.
5 juin :Relève. Nous allons en réserve à Verneuil-sous-Coucy. Carrières peu aménagées, enfin cela peut aller. Nous allons travailler en ligne une nuit sur deux.
15 juin Relève. Nous allons au repos à Blérancourt. Nous sommes bien cantonnés. Peu de travail. Exercices tous les matins sur l’ancien terrain d’exercices boches.
Blérancourt en 1917


25 juin: Nous remontons en ligne à la ferme Rozière, à gauche de notre secteur. Relève fatigante par une chaleur torride. Nous prenons tous les trois jours les avants-postes dans la ferme Rozière, à 200m de toute ligne : personne à gauche, personne à droite, pas de fils de fer devant, avec la consigne de se replier en lançant des fusées s’il y a attaque. Tout autour de la ferme, rien que du seigle très haut et nous ne sommes que huit. Nuit excessivement pénible, heureusement qu’elles ne sont pas longues. On voit des boches partout, mais c’est calme.
30 juin -1er juillet
Je remonte à la ferme Rozière. Sale journée! D’abord la nuit, torpillage, pas de casse. Toute la journée, quatre torpilles tous les quarts d’heure. Vers 15h, après une rafale, des cris au coin Nord-Est. Un type est touché. Une torpille lui est tombée sur la jambe. Le pauvre type est bien touché. Enfin les brancardiers arrivent. On l’emmène. Il est mort pendant qu’on l’emmenait. Ce pauvre ANGLADE était déjà assez âgé, marié et père de deux enfants. Le soir, relève. Ce n’est pas trop tôt. Il pleut depuis 3 jours. Nuit terriblement noire et pluie. Enfin on s’en tire à peu près. Nous allons à Verneuil où nous ne devons rester que 24h.
2 juillet:  Nous remontons en ligne. Nous allons à la ferme du Crotoir, au Sud de Barisis. La ferme n’est pas calme, mais dans notre coin, rien ne bouge. Cependant pendant la période, le secteur commence à s’agiter. Les obus tombent un peu partout. Que va- t-il se passer?
12 juillet:Relève. Nous allons à Verneuil-sous-Coucy. Même programme qu’aux autres séjours. Le secteur s’agite de plus en plus? ...?
14 juillet:Minuit précises. Les boches déclenchent une préparation d’artillerie soignée. Ils ont fait un coup de main. Je vais me réfugier dans la carrière où je retrouve le Lt de HAUTECLOQUE, ESTEBE, le chef FOIRET, CAUMONT et quatre au cinq types. On blague. Les obus tombent toujours sur nous et tout autour. La bougie éteinte toutes les cinq minutes par les explosions, ça ne va pas fort. Vers 2h du matin, une explosion formidable, je suis renversé, recouvert de terre, et je ressens une violente douleur au pied, des cris, un obus est tombé juste à l’entrée de la carrière et toute une gerbe d’éclats est rentrée. J’allume ma lampe électrique, et je vois le pauvre ESTEBE, la jambe pendant lamentablement, sectionnée au-dessous du genou, les mains remplies de sang et ne pouvant se relever. Le chef le relève, nous lui faisons une ligature pour arrêter l’hémorragie, en attendant le major. Moi, je vois plusieurs trous dans ma chaussure et du sang. Je me déchausse. J’ai un doigt de pied en marmelade et le pied traversé. Un territorial, qui était derrière moi, a un éclat dans la tête et M. de HAUTECLOQUE un éclat qui est resté agrafé dans sa tunique. Nous avons eu de la veine.
Après pansement, je suis évacué avec ESTEBE. Arrivés à Trosly vers 6h à l’ambulance divisionnaire. Je quitte ESTEBE qui est évacué d’urgence. Mon pansement est plein de sang. On me le refait. Puis, après une heure et demie d’attente, pendant laquelle les blessés arrivent de plus en plus, je suis remonté en auto et je repars. Arrivée à Blérancourt à l’ambulance 14/18 vers 8h.Là, longue attente pendant laquelle plusieurs camarades du 3ème bataillon et du CIT viennent me voir. 
Le capitaine FOUQUET vient me voir et écrit à Papa pour le rassurer sur mon sort.
Vers 10h, départ de nouveau en auto. Long trajet fatigant. Je commence à avoir de la fièvre. Arrivée à Noyon (II.O.E. 37) vers 11h, une petite halte, puis réembarquement en auto et je débarque 1/4h après à l’hôpital général (ambulance 13/8). Enfin déshabillé, me voici couché. Je retrouve le brigadier CONDOURE, de l’escadron, blessé en ligne, qui a le bras broyé.
Visite du major. Il va me refaire mon pansement. Entrée dans la salle d’opérations. Là, dure séance. Rien que le nettoyage est dur, puis chloroforme...
Réveil très mauvais, vers 8h du soir. Je suis malade comme un cheval, fièvre, migraine, etc ... J’apprends que j’ai été amputé d’un doigt de pied! ... Nuit agitée.
15 juillet:Ca ne va pas fort. Je suis toujours sous le coup du chloroforme.
16 juillet:Reçu la visite de M. de HAUTECLOQUE, évacué pour un petit éclat dans l’œil. Il m’annonce la mort de ce pauvre ESTEBE, qui a souffert deux jours et a succombé après avoir reçu la médaille militaire. C’était un bien gentil camarade, si gai, si jeune. Il venait d’avoir 20 ans.
18 juillet:Quitté l’hôpital à 11h, direction le train sanitaire. Arrêt d’une heure à l’U.O.E. Puis embarquement. Je retrouve Garnier, du 22ème Dragons, que j’ai connu à la ferme Rozière, il y a un mois. Compiègne, Estrées-Saint-Denis, Saint Just-en-Chaussée, Breteuil embranchement, Tartigny. On descend, transporté en auto. Arrive au château vers 9h. Installation baraques en planches dans le parc. C’est pas mal. Salle 4, baraque des sous-officiers. Camarades très chics. KLEIN, 61ème art, CELERIER, 11ème TEM/GRC 11, GLAISE, 213ème art, GARNIER, 22ème Dragons, etc ...
31 juillet:Visite de Petite Maman. Je commence à marcher un peu. Petite Maman m’apporte des fruits et des livres.
8 août Arrivée d’un nouveau train. Nouveaux camarades. RICHÉ, Dragon, BOUCHET, 32ème RAC, GUERANDON, 1er Génie, etc ...
Je vais de mieux en mieux et commence à sortir dans le parc.
20 août:Je reçois une lettre de Papa m’annonçant que je viens d’être cité pour ma blessure. Le dimanche suivant, nous arrosons cela à Rouvroy-les-Merles. Déjeuner très agréable par un temps superbe.
1er septembre :Nouveaux aménagements à l’hôpital, cela devient  superbe. Améliorations dans l’ordinaire, etc ...
Je me promène toute la journée, visite Folleville, Breteuil,etc .
15 septembre : Le major (M.BONTE) me propose pour partir en convalescence (ça colle).  Je   boite encore un peu, mais pour un mois de convalescence, j’accepte. 
16 septembre:Arrivée d’un nouveau train, nouveaux camarades.
18 septembre: Je reçois la visite de Papa qui, changeant de secteur, a poussé jusqu’ici en auto. Je déjeune avec lui et son adjoint, le lieutenant DURAND. Déjeuner très agréable à la petite auberge de Tartigny. 
23 septembre:Départ en auto pour Beauvais avec RICHÉ et BOUCHET, pour aller passer devant la commission de convalescence.
La commission : colonel avec nombreux majors, accepte nos trente jours. Après un petit tour dans Beauvais, nous prenons le train. 
24 septembre:Passé la matinée à Paris. A midi 50, je prends le train pour Trouville. Arrivée à 8h du soir. 
25 octobre:Départ de Trouville, y ai passé un séjour délicieux pendant lequel j’ai pu voir Papa.. Excursions à Houlgate, Honfleur, Le Havre, etc ...
26 octobre: Passé la journée à Paris. Le Bourget, Creil. 
27 octobre:Rejoint le C.I.D. du régiment à Blérancourt, 4ème compagnie. Pas grand chose à faire. Service des permissionnaires à Vic sur-Aisne, garde, etc ...
Je vois Papa qui est pour le moment à Folembray.
1er novembre:Déjeuné avec Papa à Cuts à l’EM de l’ID 130.
9 novembre :Prise d’armes à la verrerie de Folembray, remise de croix de guerre. Je reçois la mienne des mains du colonel DURAND avec le motif : «Excellent sous-officier, ayant toujours fait son devoir au cours de la campagne. Grièvement blessé, le 14 juillet 1917, en donnant l’exemple du courage et du sang-froid, sous un violent bombardement». Musique, défilés!  ... Général BRICARD, général FÉRAUD. C’est réussi, mais toujours sous une pluie torrentielle.
Croix de guerre 1914 1917
12 novembre:Passé la journée avec Papa à Baboeuf. La 130ème DI est dissoute Papa sans poste, part en permission J.Q.N.O.
18 novembre : Bruit de départs, la division irait en Italie,
20 novembre:Le bruit se précise. Nous partons en Italie. Nous rejoignons la 5ème DC qui se concentre à Chantilly. Départ demain matin. Je passe à la 12ème compagnie où je fais connaissance de MORLAIN, COUILLARD, MICHEL, etc ...  j’y retrouve le Père BOIVRAND, que j’ai beaucoup connu au quartier. 
21 novembre:Départ à 7h, pour aller embarquer à Appilly. Embarquement à 10h, voyage agréable, tous les sous-officiers du CID dans un wagon à bestiaux, on ne s’embête pas du tout! ! Noyon, Compiègne, Creil, ! !Tout le monde descend! Après nous être promenés pendant deux heures dans la gare, nous remontons dans le même train. Débarquement à 1h du matin à Chantilly.
22 novembre:Installation à Chantilly, c’est parfait, je couche chez un entraîneur, dans une petite chambre en face des usines de camouflage ... Le capitaine FOUQUET me donne le commandement des chevaux venus en renfort à la 5ème DC, c’est le filon.
26 novembre:C’est toujours le filon. Je monte à cheval tous les matins dans la forêt de Chantilly, quelquefois ensuite l’après-midi. Je pars avec une permission de 24h pour Paris. 
27 novembre:Passé la journée à Paris. Malheureusement je n’ai trouvé personne, Papa et Petite Maman étant à Brest. 
28 novembre :Retour à Chantilly, recommencement de la même vie.
2 décembre:Je repars Le Vésinet. J’y trouve Papa, toujours en permission J.Q.N.O. 
3 décembre:Départ de Paris le soir, retour à Chantilly! Fini le beau rêve, l’Italie, nous rembarquons pour Blérancourt!!!!! Enfin nous avons passé une heureuse quinzaine, montant à cheval tous les jours et très peu de travail.
4 décembre:Départ à 3h, embarquement à 5! Il commence à faire froid. Voyage très gai, tout le monde est excité.
Débarquement sur le quai d’Appilly à minuit. Nous y restons jusqu’à 2h du matin, il fait un froid de loup, brrr...  Arrivée à Blérancourt vers 6h du matin, soupe chaude, jus, cela va mieux, on se couche.
6 décembre:Le régiment est parti à la Courtine, garder les russes. Nous accueillons les permissionnaires de la DC. Je retrouve KLEIN, du 62ème art. que j’avais connu à Tartigny. 
Suis proposé pour le cours d’E.A. de Saint Cyr.
1918
10 janvier:Formation de la 1ère DCP, 4ème, 9ème, 11ème Cuir, 10ème Dragons (3ème et 4ème  escadrons), 270ème art. camp, 103ème  lourd. Le général BRICARD prend le commandement.
12 janvier:Devant très probablement aller à Saint Cyr, je demande à avancer ma permission. C’est accepté et je pars.
13 janvier:Arrivée au Vésinet.
26 janvier:Départ pour le retour, hélas! ... Arrivée à Blérancourt par Noyon à 18h. Déception, en arrivant, je ne pars pas pour Saint Cyr, n’ayant pas un an de grade. Instruction,   service des permissionnaires, etc...
30 janvier :Revue du CID par le général BRICARD.
5 février:Je commence à suivre le cours de mitrailleur, très intéressant. 
21 février:Fin du cours. Je connais maintenant la mitrailleuse Hotchkiss et suis calé sur la culture physique. Nous avons reçu la visite du lieutenant de vaisseau Hébert et j’ai pris part à la démonstration devant toutes les huiles du C.C.
Mitrailleuse Hotchkiss 1918

Je reviens à l’escadron et je passe instructeur à la section de renfort, composée des premiers types à partir en renfort. Puis instructeur adjoint au cours de fusil mitrailleur. Je repasse à la 4ème  compagnie.
22 mars:Depuis hier soir, le canon gronde avec une intensité. Tout de suite, nous nous doutons que c’est la grande attaque qui est commencée. Quelques vagues tuyaux nous arrivent. La préparation d’artillerie a été commencée hier soir et les boches ont attaqué ce matin. L’armée française monte à la rescousse des Anglais.
23 mars:Quelle journée!!! Hier soir, après avoir reçu des bombes d’avion sur Blérancourt, lorsqu’au moment où j’allais me coucher, on vient m’annoncer que je pars en corvée avec 60 hommes pour Trosly-Loire. Embarquement en auto. Arrivée à Trosly-Loire, du brouillard, il fait   froid. Le canon gronde toujours formidablement. L’officier du TM nous réunit et nous dit que l’artillerie française, montée ce matin  au secours des anglais, n’a plus d’obus et en a fort besoin!  Il faut lui en envoyer dare dare. Nous nous mettons à l’ouvrage. Les camions partent au fur et à mesure, il y en a toujours. 8h du matin, les types commencent à se fatiguer. Exhortations de l’officier, on travaille avec courage.
11h, la chaleur commence , la soupe arrive, nous n’avons pas eu de repas, allons-nous avoir enfin une trêve! ! Non, il faut repartir, et manger la soupe en camion.
3h, enfin ça y est, le travail est fini, nous avons chargé 1800 caisses d’obus de 75, à 9 obus par caisse, ce qui fait 16200 obus. Avec cela, l’artillerie a dû faire du boulot. Le soir, nous apprenons que cela ne va pas fort, les Anglais ont lâché et arrivent à Chauny. Le canon se rapproche, les saucisses reculent, les habitants des patelins rappliquent. 
24 mars:Ca ne va pas du tout, la population civile évacue Blérancourt. Tout se vide, triste dimanche!! Les Français arrivent de toutes parts au secours des Anglais. La division est montée en camion auto et est engagée. Les blessés commencent à rappliquer à pied. Les boches arrivent à Quierzy.
25 mars:Le canon se rapproche toujours, les saucisses reculent! ! ! ! ! !Les blessés arrivent, les convois se replient, c’est la retraite. Les boches arrivent à Noyon, les Français les ont empêchés de passer l’Oise. Tout le monde est atterré. C’est août 14 qui recommence.
Des perdus de la division rallient Blérancourt, beaucoup de pertes parait-il. La cavalerie se donne à pied magnifiquement.
26 mars:Départ des types de la division qui se reconstitue tant bien que mal entre Cuts et Pontoise-les-Noyon. Les boches n’avancent plus sur l’Oise, mais progressent sur Montdidier et Amiens! 
27 mars:Départ d’un important renfort pour la division. Nos nerfs sont de plus en plus tendus, nous sommes en alerte depuis 8 jours. Il ne reste plus personne au CDI.
28 mars:Les boches sont arrêtés sur l’Oise, nous nous trouvons à 8 km d’eux environ.
1er avril:Jour de Pâques. Départ à 7h par Nampcel, ferme Quennevières,Tracy-le-Mont, Ollencourt, nous allons cantonner dans des baraquements le long de la route de Compiègne. Installation pas trop mal.
3 avril:Arrivée de renforts. J’y retrouve AARAU, qui était au 8ème Cuir et que j’ai connu à Belfort, également PILLAN revient. 
8 avril:Départ à 7h. Sac complet. Je suis chef de section, nous nous envoyons 28 km. Choisy-au-bac, Compiègne, Venette, halte pour déjeuner. En 5m, nous improvisons une popote, JAUX, ARAMANCOURT, Le MEUX, RIVECOURT. Très mal cantonnés. La compagnie est dans les dépendances du château, nous n’avons rien pour coucher, popote présentable.
9 avril:Recommencement de l’instruction. Le capitaine FOUQUET me nomme chef de section de la section de renforts, composée des premiers types à partir pour le régiment. Travail intéressant, mais astreignant. 
11 avril:Je suis muté et passe du 11ème Cuirassiers au 10ème Dragons.
Me voici donc remonté! Je rejoindrai demain mon nouveau régiment, ou plutôt le groupe du régiment qui est escadron divisionnaire de la 1ère DCP. Je ne quitte donc pas ces vieux régiments de Cuirassiers où je suis depuis longtemps. 
12 avril:Je pars ce matin après des adieux héroïques hier soir et je vais rejoindre Longueil-Annel où j’arrive vers 11h. Je suis affecté au 4ème escadron où je fais connaissance de ma nouvelle équipe.
13 avril:Remonte à cheval pour la première fois sur mon nouveau cheval d’armes «Phénomène». C’est un bon cheval, pas très très beau, mais solide.
15 avril:Départ à 7h pour Marest-sur-Matz. Arrivée à 10h. Installation médiocre. Je couche dans une ancienne porcherie, mais cela peut aller. Quelle différence entré une étape à cheval et une étape à pied! 
17 avril:Nous allons reconnaître les itinéraires pour faire la liaison. Je vais avec l’adjudant VALLIÈRES à Dreslincourt au PC du 270ème RAC. Je me promène dans les batteries jusqu’au PC des groupes. 
1er  mai ::Départ de Marest à 6h. Cantonnement à 2 km de là, à Vandelicourt, la  division est montée en ligne et nous allons près du PC qui se trouve à Elincourt. 
1er juin :Les boches ont attaqué, il y a quatre jours, sur le Chemin des Dames et sont à Château-Thierry. On s’attend à un élargissement de l’attaque vers notre front. Tout le monde est alerté! 
7 juin:On est presque sûr que les boches vont attaquer cette nuit. Nous recevons l’ordre de monter à cheval à minuit!!! La population civile est évacuée de Vandelicourt depuis hier. 
8 juin  : Nous sommes restés toute la nuit debout, mais sans rien. Les boches n’ont pas attaqué. Ce sera probablement pour demain ou après-demain.
9 juin   : Quelle journée! Le principal c’est que je sois sorti de la fournaise. A 11h 45 du soir environ, j’allais me coucher, lorsque les obus commencent à tomber de tous les côtés de Vandelicourt, et un formidable roulement se déclenche. C’est l’attaque sûrement! ... Les obus tombent de plus en plus près, nous allons nous réfugier dans la tranchée. Mais 10m après à peine, nous recevons l’ordre de seller les chevaux, et sous les bombardements, cela n’a rien d’attrayant du tout, enfin on s’y met. J’étais prêt, en train de brider Phénomène, quand tout à coup, une formidable détonation, je suis renversé, mon cheval sur moi, les chevaux se sauvent. Un obus est tombé à 1 m 50 ou 2 m devant moi et a fort heureusement éclaté dans une cave, ce qui m’a sauvé! Je me relève et ressens une vive douleur à la cheville, deuxième détonation, un obus 2 m plus loin. La situation n’est plus tenable. Me croyant blessé, je vais me tâter un peu plus à l’abri, mais ce n’est rien. J’ai reçu mon cheval sur la jambe, la douleur passera! Et je vais rejoindre sans cheval l’escadron rassemblé dans un chemin creux voisin. Les roulements continuent, toujours plus intenses. Pauvres camarades cuirassiers qui sont sous cet ouragan....
Vers 3h 30, l’escadron reçoit l’ordre de monter à cheval et part. Je reste avec les hommes à pied de l’escadron et nous allons rejoindre le convoi dans Vandelicourt où il est rassemblé. Mon pied me fait de plus en plus mal. Je m’endors dans une cave, et me réveillant vers 5h, je ne peux plus poser le pied par terre. Le maréchal des logis BOURGUIGNON, notre sympathique aumônier - infirmier, passant par là me repère et va chercher Mr CONSTANT, notre major, qui, m’ayant regardé, diagnostique une entorse et m’évacue. Une auto américaine réquisitionnée m’emmène à l’ambulance, située à 1500 m environ, où les blessés commencent à arriver en masse. Là, après inscription, j’attends mon tour de départ. Les blessés arrivent toujours, et l’on commence à avoir des tuyaux, les boches ont attaqué au petit jour et progressent tout à fait difficilement.
Je vois arriver MOREAU, que j’avais énormément connu cet hiver à Blérancourt. Le pauvre vieux a le bras cassé et il est venu depuis le château du Plessier, environ 7 km d’ici, à pied... Il est bien démoralisé. Enfin mon tour arrive, j’embarque en auto et me voici parti pour l’H.O.E. de Canly. Tout le long de la route, je rencontre les convois de la DCP qui reculent, et des troupes montent. Enfin on n’est pas trop démoralisé. En traversant Monchy-Humières, je dépasse le convoi du 10ème et c’est là que CAUBEFORT me dit que l’escadron est, en partie, au combat à pied.
Arrivée à Canly vers 10h, je mange la soupe et je me couche. La baraque, presque vide quand j’arrive, est pleine le soir. Un infirmier m’a dit que l’hôpital avait reçu 1600 blessés, gazés etc ... de 9h du matin à 9h du soir. Beaucoup de petits blessés. Je suis désigné pour le premier train sanitaire demain matin. Je m’endors éreinté. 
11 juin:  Embarquement à 10h dans le train sanitaire. Evacué couché, je m’installe dans le train où je retrouve des camarades du 11ème Cuir,  évacués pour les gaz. Verberie, Crépy-en-Valois, La Courneuve, arrêt, nous n’avons rien dans le ventre depuis hier soir. De gracieuses infirmières nous servent à dîner. Il est environ 17h. Deux obus tombent vers Le Bourget. 18h, nous démarrons de nouveau direction Nantes. Je m’endors vers Mantes.
12 juin :Réveil à Ancenis - Nous arrivons à Angers vers 6h, on nous y sert un    délicieux chocolat. Nous suivons toute la vallée de la Loire   et arrivons à Nantes vers 10h. Entrée sensationnelle en gare, la garde présente les armes, le général commandant la place est sur le quai. On descend quelques blessés puis on nous sert  à déjeuner. Départ vers midi direction Quimper. Arrivée à  Vannes vers 5h, on nous sert à dîner.
Arrêt de 2h à Lorient. Mon pied désenfle de plus en plus, je crois que  je serai guéri en arrivant. Enfin à 20h, nous entrons en gare de Quimper. Tout le monde descend. Je suis embarqué en auto, direction l’hôpital n°67, je me couche aussitôt.
13 juin :Vers 8h, visite du médecin-chef , après un court examen de ma cheville, il me dit  «vous êtes à peu près guéri : j’ai besoin de place, avez-vous droit à votre permission de détente » et, sur ma réponse affirmative, « très bien vous partirez ce soir» A 17h, je prends le train pour Trouville. 
14 juin :          Arrivée à Paris à 7h 15, départ à 7h 50 à la gare Saint Lazare. Je débarque à Trouville à midi, pour 20 jours de permission. Y-a-bon.
5 juillet:  Départ de Trouville à 5h du soir. Passé une très bonne permission pendant laquelle j’ai vu François 4 ou 5 jours. Arrivée à Lisieux à 7h, je visite un peu la ville.
6 juillet:  Départ de Lisieux à 1h du matin. Arrivée à Achères à 8h, je suis renvoyé sur Noisy-le-Sec. En attendant le train, je retrouve MASSIN, au 16ème Dragons, que j’avais connu au cours de FM à Blérancourt. Arrivée à Noisy-le-Sec à 3h, je suis, de là, dirigé sur Connantre. Je dois attendre le train jusqu’à 3h du matin.
Un gendarme veut absolument que j’aille à Paris, il me donne tous les tuyaux nécessaires, mais comme je n’ai pas du tout envie d’y aller, je me contente de dîner à Noisy. 
7 juillet :Départ de Noisy à 3h du matin, arrivée à Connantre vers 11h. Départ d’isolés très bien organisé, menus très bons (artichauts, salade etc...) Je suis équipé l’après-midi et dois attendre le train jusqu’à 2h du matin. 
8 juillet :En attendant le train, je retrouve l’aspirant de VIRIEU, connu à Blérancourt. Départ à 3h pour Elise (environs de Sainte Menehould). Passage à  Châlons. A Saint Hilaire-au-Temple, changement de train, nous repartons vers 8h. En passant à Bussy le-Château, j’aperçois le ravitaillement de l’escadron. Je saute du train et j’apprends que l’escadron est en partie à Courtisols, mon peloton est à Pogny. Je pars avec eux déjeuner à Courtisols, je déjeune avec tous les capitaines. Seul, BOUZERAND est disparu à Sassigny, autrement pas de casse. Je couche à Courtisols. 
10 juillet  :  Je pars en fourgon pour Pogny, où j’arrive vers 8h du soir. Je retrouve PECH avec le peloton. Nous sommes détachés au service des routes. Quelques patrouilles à faire, nous sommes très bien cantonnés, dans un charmant village. All Rightl!! 
14 juillet:Nous recevons avis que les boches vont très probablement attaquer cette nuit, il faut nous tenir prêts et doubler les patrouilles. Je pars en patrouille. 
15 juillet : Ca n’a pas manqué, à minuit moins le quart, au moment où je rentrais, déclenchement de la préparation d’artillerie, barouf formidable. Toutes les 6 minutes un obus tombe sur Châlons, les civils sont affolés. Ils vont même jusqu’à dire qu’ils entendent la fusillade. D’après les tuyaux, les boches ne peuvent pas avancer. 
17 juillet: Décidément les boches ont avancé de quelques kilomètres seulement, mais avec beaucoup de casse, les obus tombent toujours sur Châlons et les avions viennent tous les soirs.
La 5ème D.C. traverse Fogny, et se dirige sur Château-Thierry. Va-t-il se passer quelque chose par là??
19juillet: La contre offensive est déclenchée, nous progressons du côté de Villers-Cotterets. Fait une patrouille, la nuit dernière, où nous avons pris un orage épouvantable sur les reins. Les obus et les bombes tombent toujours sur Châlons. 
23 juillet :Nos troupes ont repris Château-Thierry et sont aux portes de Soissons....
Nous avons changé de popote et nous marchons maintenant avec le secrétaire du   ......  nous sommes très bien, chez le tailleur!
Les bombes tombent sur Châlons. Deux bombes perdues sont tombées sur Pogny. Une bombe est tombée sur un train de munitions à Sogny-aux-Moulins, démolissant tout le train et incendiant une ferme. J’y ai été cette après-midi, tout est rasé et la voie de chemin de fer complètement démolie!
Nous sommes toujours très bien installés, baignade tous les jours, c’est le rêve!
25 juillet:Hélas, le beau rêve est fini!! Hier soir, comme nous finissions de dîner, nous avons reçu l’ordre de départ et ce matin, nous avons levé le camp. L’escadron se rassemble à Courtisols. J’y arrive le soir avec les hommes à pied du peloton.
26 juillet:Départ à 6h, nous allons cantonner à la ferme de Perise et au camp des Planches, environ 30 km à cheval, arrivée à 10h. Cantonnement présentable dans des baraquements. Cela pourra aller.
28 juillet: Je vais dîner à Gizaucourt à la 12ème  compagnie du CID du 11ème Cuir. Retrouvé les copains, MICHEL, GRANGER, GRELAIS et toute l’équipe. Je retrouve PAUL au 16ème Dragons, que j’avais connu à Belfort. J’y entends la musique des Américains, très curieuse.
29 juillet:Ayant été faire un tour au camp des Américains, nous en invitons deux à dîner. Ils ont dîné ce soir, très amusant, naturellement ils sont arrivés avec le champagne et les cigares.
30 juillet:Nos deux américains d’hier viennent nous chercher pour visiter leurs pièces. Très intéressantes pièces de 240. Ils nous donnent beaucoup de détails.
31 juillet: Départ pour les tranchées à 8h du soir avec BARBOT et BOUCHET. A cheval jusqu’au delà de la ferme Arapa. Puis, à pied, par Malmy, le bois d’Hauzy, et la Gabiomicelle, arrivée    à Ville-sur-Tourbe vers minuit. Je relève HAVARD au GC Arbalot. Secteur tout à fait calme au bord de la Tourbe. 
4 août:Hier soir, à 8h, les boches m’ont sonné pendant 10m, puis à 4h, nouveau bombardement. Je crains un coup de main, mais rien. 
8 août:Ce soir, la relève, ce n’est pas trop tôt, 
9 août:J’ai été relevé vers minuit par TOULZA. Nous retrouvons les chevaux du 3ème escadron là où nous avions laissé les nôtres. Nous montons à cheval et, après une bonne étape, nous arrivons à Verrières, où est maintenant cantonné l’escadron. Relève sans gros incidents, si ce n’est les classiques chutes dans les trous d’obus. Verrières, joli petit village au bord de l’Argonne, cantonnement pas trop mal. 
12 août: Concours de combat des petites unités entre les pelotons, jury composé du colonel, capitaine de SÈZE, capitaine de l’HERMITTE, les officiers etc... Mon peloton opérant le premier, attaque selon le thème, le bois de la présidence. Nous nous couvrons de gloire...facile,   et emportons le premier prix de 75F, naturellement transformé en ... pinard. 
14 août :Départ à 5h du matin du premier peloton pour Sainte Menehould où   nous   devons assurer la police de place, très chic cantonnement, popote très bien chez une brave femme avec VALLIÈRES et GREIL. Chambre très bien, mais comme je n’y viens que pour deux jours, excellent lit sans draps. 
16 août :Hier soir, relève en ligne. GREIL va aux tranchées. Moi je suis parti de Sainte Menehould ce matin avec cinq hommes, pour l’Etat Major de la division où je dois passer 8 jours comme estafette. Je relève DEDIEU à CHAUDEFONTAINE, la division étant au château de Vaux. Très bonne installation, popote assez peu agréable avec les sous-officiers secrétaires. 
17 août:Je monte à cheval avec le général BRÉCARD. Nous allons comme escorte   à   une revue d’un bataillon de Cuirassiers à Dommartin-sous-Hans. Beau temps, galop derrière le général, revue, défilé, tambours, musique, etc... Retour au château avec les chevaux du général. 
18 août :Changement de cantonnement, départ à 9h, la division va cantonner à la ferme Saint Hilairemont, à 800m à l’Est de Courtémont. Pas trop mal installés, rien de trop bien. Puis nous sommes trop près des huiles, j’ai tout le temps QUINCHEZ et de SERRES sur le dos!!!! 
24 août:Je suis relevé par MARRENS, mon séjour ne s’est pas trop mal passé, quelques reconnaissances de pistes, suis monté une fois avec le général. Je rejoins Sainte Menehould, où est cantonné l’escadron. Ce soir nous faisons mouvement, départ à 18h pour aller cantonner à la ferme de Mauperthuis. Installation très précaire, les chevaux sont très mal, nous aussi! Nous sommes dans un baraquement, enfin cela pourra aller.
25 août:Du monde à dîner, AUBIBAN et plusieurs camarades divers. Grande bombe.
1 septembre :Je retourne à la division, départ à 6h du matin. Arrivée à Saint Hilairemont, je reprends mon ancien emplacement et je relève MARRENS. Toujours même travail, reconnaissance de pistes.
3 septembre :J’apprends que je suis proposé pour le grade de sous-lieutenant. En conséquence je prends le commandement de mon peloton en rentrant.
9 septembre :Je suis relevé par TOULZA, naturellement, consigne très difficile à passer naturellement. Mon séjour à la division s’est fort bien passé, pas grand chose à faire. Monté à cheval une fois avec MERMET pour aller à l’observatoire du Buisson Jacquet, très intéressante promenade. Assisté à une manœuvre du 11ème Cuir.
Je retourne à la ferme Mauperthuis où je prends le commandement du 1er peloton, passé 2ème  peloton. 
7 septembre :Travail de l’escadron devant le colonel, école d’escadron, puis combat à pied. MARRENS prend le commandement des 2 sections commandées, l’une par SÉVERAC, l’autre par moi. Naturellement il est au-dessous de tout. À l’issue de la cérémonie, le colonel fait un petit speech où il m’annonce que je vais probablement changer d’escadron, hélas! ...
16 septembre: Relève aux tranchées, ce n’est pas encore mon tour.
18 septembre: L’arrière des lignes s’anime, l’artillerie lourde arrive dans notre coin. Est ce que par hasard il va se passer quelque chose?
19 septembre: Un bataillon de Tirailleurs est venu cantonner à Mauperthuis dans la nuit. Mouvements de troupes de plus en plus nombreux, on commence à parler d’attaque.
20 septembre: Comme me l’avait laissé prévoir le colonel, je suis muté et passe au 3ème  escadron. Je pars vers 2h et arrive à la ferme de Puix où est cantonné le 3ème. Réception très fraîche du capitaine, très agréable des camarades, MARRENS, TOULZA, ILAVARD, REMY, sans parler de l’ignoble chef PADER. Je ne suis pas encore affecté à un peloton. 
21 septembre :Je suis affecté au commandement du 3ème peloton (MARRENS, TOULZA) j’en suis enchanté car c’est le meilleur peloton de l’escadron. Les bruits d’attaque se précisent, ce serait dans les environs du 25, (du coup MARRENS a mal au genou), on doit faire une percée formidable et charger!
22 septembre: Alerte dans l’après-midi, décidément l’attaque se dessine de plus en plus, on démarre cette nuit, direction inconnue. 
23 septembre: Il pleut, comme par hasard, démarrage dans la nuit, à 4h du matin, je monte mon nouveau cheval «Manuel». Nous cantonnons à  Verrières.  Arrivée  vers  6h au petit jour. Réception enthousiaste de la population qui nous connaît bien. Hélas! on repart la nuit prochaine. Décidément MARRENS a de plus en plus mal au genou. 
24 septembre : Départ à 3h, nous allons cantonner à la ferme Naviaux (Nord de la Neuville-au-Pont). Brouillard, sale temps, circulation intense. Ca commence, les chevaux cantonnés dehors, moi je me trouve un petit coin dans un abri de bombardement. On commence à avoir des tuyaux sérieux, de LACAZE rapporte de la division que l’on attaque sur tout le front... La grosse artillerie prépare ses emplacements. Nous envoyons des agents de liaison à l’artillerie, ça va barder!!!! 
25 septembre:Il paraît que c’est pour la nuit prochaine. Nous partons ce soir pour rejoindre la division à la ferme La Noue...

A l’issue de la guerre, Bernard Madelin se réengage, comme professionnel, cette fois. Officier de cavalerie, Saint-Cyr, Ecole de guerre.  Après un beau service durant la Première guerre mondiale – il est blessé deux fois - Bernard entre à Saint-Cyr. Il est alors officier de cavalerie. Il est fait prisonnier pendant 5 ans à Nimburg am Wezer en Allemagne lors de la deuxième guerre mondiale. A sa sortie, il devient Colonel.

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